Comprendre notre sensibilité

En faire un atout dans la vie et nos relations

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Et si, à l’heure de l’écoute de nos émotions, le quotient intellectuel n’était plus suffisant pour définir notre intelligence? Tout ça n’est pas qu'une histoire de QI.

Avec
  • Fanny Jacq Psychiatre spécialisée en périnatalité, pour la plateforme de consultation Qare
  • Fabrice Midal Philosophe, auteur, enseignant et créateur du podcast Dialogues
  • Edouard Gentaz Professeur de psychologie du développement
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A l’instar du quotient intellectuel, le quotient émotionnel (QE) est très à la mode. Les magazines regorgent de tests pour le mesurer. Mais en fait qu’est-ce que le quotient émotionnel, est-il vraiment mesurable ? Savez-vous si vous êtes hypersensible, si oui comment en faire un atout dans votre vie ? Enfin vous verrez que l’on peut acquérir des compétences émotionnelles tout au long de notre vie.

A quotient émotionnel, Fanny Jacq, médecin-psychiatre, lui préfère compétence ou intelligence émotionnelle qui est plus approprié « Contrairement au quotient intellectuel, l'intelligence émotionnelle n'est pas mesurable avec un nombre. Il n'y a pas de mesures standardisées. Donc pour moi, il n'y a pas de quotient et il n'y a pas non plus de normes.» Alors à défaut de pouvoir le mesurer comment savoir si nous sommes intelligents émotionnellement ? Selon elle, les compétences requises sont au nombre de quatre :

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  • Identifier ses propres émotions
  • Reconnaître celles des autres
  • Être capable de réguler ses propres émotions
  • Savoir les utiliser à bon escient

Edouard Gentaz, Professeur de psychologie du développement à la faculté de Psychologie et des Sciences de l'Éducation de Genève étudie les émotions des enfants en école maternelle en implémentant des activités pédagogiques qui vont leur permettre de développer des compétences émotionnelles dès leur plus jeune âge. Il explique le succès actuel du quotient émotionnel par le fait que les chercheurs ont mis en exergue, il y a une trentaine d’années une complémentarité entre l’intelligence et les émotions. « Il faut imaginer qu'il y a 30 ans, il y avait tout un tas d'équipes dans le monde qui commençaient à travailler sur les émotions en disant que les émotions étaient liées à la cognition et que ce n'était pas quelque chose qui était entièrement séparé. Parce que pendant des décennies, on a pensé que le développement cognitif, le développement émotionnel, c'était des développements totalement séparés ».
Celui-ci précise comment Daniel Goleman, psychologue et journaliste scientifique, a largement contribué au développement de ce concept dans le monde entier avec le succès de son livre Intelligence émotionnelle « Il a, à un moment donné, pris tout ce qui se faisait dans tous les grands labos mondiaux, il a mis ça dans un grand bouquin avec talent. On s'est aperçu que ces conceptions, ces notions avaient du sens à la fois dans le monde de la santé, du travail et aussi à l'école. »

Etes-vous hypersensible ?

Fabrice Midal, auteur de l’ouvrage Suis-je hypersensible ? Enquête sur un pouvoir méconnu, définit l’hypersensibilité par une façon de ressentir les choses intensément.

  • Vos sens sont plus développés : vous êtes très sensible aux odeurs ou votre peau ne supporte pas les étiquettes
  • Vous êtes très sensible émotionnellement : vous êtes submergé par un trop plein d’émotion : ce sont les montagnes russes
  • Vous avez une très forte empathie : vous ressentez l’état émotionnel des autres à tel point que vous êtes comme une éponge
  • Sur le plan social les jeux de pouvoir ne vous intéressent pas du tout. Vous aspirez à l’harmonie
  • Sur le plan cognitif vous avez une pensée en arborescence, une idée en appelle une autre

C’est la combinaison de ces 5 critères qui définit une personne hypersensible.
Fabrice Midal, hypersensible lui-même, souligne l’importance d’être au courant de son hypersensibilité afin de mieux vivre avec cette singularité qui peut être particulièrement douloureuse si elle est méconnue « quand on est hypersensible, on se sent vraiment différent. On a l'impression de ne pas rentrer dans la norme. On est une société très normative donc souvent, les gens ont l'impression qu'ils sont déficients. Longtemps, j'ai pensé que j'avais un problème psychologique de réagir comme ça avec mes émotions, d'être submergé. Et chaque fois plus j'essayais de me calmer, pire ça allait. Parce que lorsque l’on est hypersensible, on ne se calmera jamais. »
En revanche, lorsqu’elle est connue et acceptée, l'hypersensibilité peut s’avérer un super pouvoir comme en témoigne une auditrice. Elle en a fait aujourd’hui son atout en l’utilisant dans son métier au quotidien. Fabrice Midal conclut que l’hypersensibilité s’avère bénéfique à notre monde « quand on fait des recherches sur l'évolution, on pense que les hypersensibles, qui représentent peut-être 20 % de la population, sont nécessaires. En temps de guerre, ce sont eux qui voient les dangers quand les autres ne les voient pas. Et en temps de paix, c'est sans doute les hypersensibles qui ont découvert que telle plante pouvait soigner ».

Si vous n’êtes pas hypersensible, vous pouvez toujours développer vos compétences émotionnelles à tout moment de votre vie car contrairement au quotient intellectuel qui atteint son maximum à 17 ans, l’intelligence émotionnelle elle l’atteindrait vers 70 ans.

Cultivez vos compétences émotionnelles à tout âge de votre vie

Il n’existe pas de bonne ou mauvaise émotion. Toute émotion doit être accueillie, car elle dit quelque chose de nous.

Accepter ses émotions
C’est le premier conseil si vous souhaitez développer votre intelligence émotionnelle. Trop longtemps les émotions ont été exclues de la sphère professionnelle, dans le soin aux patients et dans l’éducation. Aujourd’hui on se rend compte de leur importance et elles sont de fait valorisées dans chacun de ces domaines. Un employeur recherchera davantage dans le profil de ses futurs salariés une personnalité empathique et capable d’adaptation. De même David Gentaz a observé que les facteurs de réussite scolaire étaient corrélés à des compétences émotionnelles au même titre que les compétences cognitives.

La lecture
Fanny Jacq explique que la lecture de romans ou de dictionnaire des émotions permettait d’enrichir son intelligence émotionnelle. « Le cerveau va percevoir d'une émotion des sensations plus ou moins fortes, agréables, pas agréables. Plus on est capable de décrire de façon très fine son émotion, plus le cortex va pouvoir poser véritablement  le mot de l'émotion sur cette sensation, sur cette perception. En conséquence il y a vraiment la communication et la compréhension verbale. La richesse du vocabulaire et du langage est vraiment très importante pour l'intelligence émotionnelle. »

Explorer nos émotions
Fabrice Midal recommande de ne pas chercher à contrôler nos émotions comme notre société nous l’a si souvent intimé « ce n'est pas du tout évident de savoir ce que l'on vit parce que nous vivons avec le modèle qu'il faut contrôler ses émotions. Malgré tout ce que l'on peut raconter, l'idée principale des gens, c'est qu'il faut être calme, il faut être zen. Soyez zen, soyez calme, contrôlez vos émotions comme si c'était un pouvoir, comme si on pouvait décider de ce qu'on ressent. » Celui-ci conclut que décider d’aller à la rencontre de ses émotions est une aventure extraordinaire et que c’est cela même qui nous rend vivants.

Un Podcast de l'émission Grand bien vous fasse - France Inter