Trop penser

ou penser différemment.

mal

 

Impossible d’y échapper, elles tournent en boucle dans notre tête, comme un hamster dans sa roue… Ces ruminations mentales qui nous agitent du matin au soir. Ces pensées qui nous prennent la tête…

On est foutu, on pense trop ! Telle pourrait être le refrain de cette émission. Mais ça veut dire quoi exactement, trop penser ? Pourquoi le règne des conjectures dans notre tête peut provoquer une surchauffe de l’esprit, un malaise plus ou moins diffus, une anxiété, une déprime ?

Et puis il y a toutes ces scénarios de la vie quotidienne que nous élaborons du réveil au coucher : "Et si je perdais mon emploi…", "j’aurais pu répondre ceci", "j’aurai pu faire cela". Nous verrons tout de même quels sont les bienfaits de ces ruminations, mais aussi comment se forcer à ne plus penser à une chose finit par fonctionner, nous vous dirons comment adopter les meilleures stratégies anti-ruminations.
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Méditation, positive attitude... Quelle sont les bonnes tactiques pour ne plus mouliner ?

Toujours plus d'informations sur les tracas du monde, l'actualité anxiogène fournissent nombre de possibilités d'y penser, un peu comme un fond d'écran désormais habituel de notre vie. Sébastien Bohler, journaliste scientifique, explique que le cerveau a justement une fonction fond d'écran car lorsqu'il n'a rien à faire, notre cerveau explore les possibles, notamment les côtés dangereux pour anticiper ce qui pourrait se passer. "Donc quand vous mettez le cerveau face à une industrie de l'information qui permet d'alimenter cette boucle, alors on part en vrilles", il faut ainsi pour lui réfléchir à "l'articulation entre médiasphère et le fonctionnement ancestral du cerveau".

Le cerveau veille en permanence et cherche à prévoir

Cette capacité à prévoir le danger a permis à l'espèce humaine de survivre. Comment ? On le sait désormais, cette vigilance vient de l'action des neurones du "réseau du mode par défaut", responsables d'un fonctionnement efficace. Un réseau qui s'active lorsqu'on se repose, lorsqu'on va se coucher, qui traque ce qui pourrait bien arriver, c'est ici que les pensées arrivent et deviennent des ruminations. Le psychiatre David Gourion a étudié "la dynamique neuronale des ruminations" : il montre que si vous êtes un être humain dans des conditions de vie ancestral, vous devez tout prévoir en imaginant le danger au moindre bruit, "est-ce un danger potentiel qui se cache derrière un buisson ou est-ce la brise printanière ?". Ceux qui ont envisagé le potentiel danger sont restés, ceux qui pensaient qu'il n'y avait aucun problème ont été statistiquement éliminés, et leurs gênes avec.

La pensée, une action consciente de notre cerveau

De là, comment définir une pensée, et comment naît-elle ? Sébastien Bohler explique qu'une pensée est un contenu mental dont on prend conscience, "une représentation qu'on peut se rapporter à soi-même, qui est consciente". Les pensées peuvent être un acte souhaité ou "venir de manière plus ou moins chaotique. On peut les saisir au vol, on peut s'accrocher à elles, on peut les faire monter en mayonnaise, ou, au contraire, les laisser filer". Christophe André, ajoute que "pour la plupart d'entre nous, l'acte de penser est de produire des pensées, or pour la plupart des chercheurs en neurosciences, penser n'est pas produire des pensées, mais choisir parmi le flux d'images mentales que produit le cerveau. (...) Penser ou réfléchir, c'est choisir certaines pensées plutôt que d'autres, ou parfois, c'est l'inverse, c'est être choisi par certaines pensées qui s'imposent à nous parce qu'elles ont une charge émotionnelle, une charge affective". Il conclut ainsi "qu'il faut des apprentissages pour ne pas être submergé par cette activité formidable".

De la pensée à la rumination

La psychiatre Aurélia Schneider fait le lien et la distinction entre la pensée et les ruminations. Ces dernières ont une connotation plutôt négative. La psychiatre les définit "comme des pensées assez conscientes, qui tournent en boucle de manière récurrente, et le plus souvent en période de creux". Par exemple, en se réveillant à 2 heures du matin, ou pendant les vacances ou les week-ends, quand vous ne pouvez pas résoudre ce qui arrive en tête. À tel point parfois que certains de ses patients "redoutent les périodes de vacances et les remplissent d'énormément d'activités pour ne pas que ces pensées arrivent, et devoir résoudre ce qu'on ne peut pas résoudre". Le monde des ruminations se divise en deux catégories : sur des situations qui n'existent pas ou pas encore, les pensées de type "et si jamais", "pourvu que", et sur des situations qui existent, mais qui n'ont malheureusement pas de solutions, des situations qu'on ne peut pas régler.

Ne pas confondre les ruminations, ou les pensées qui passent, avec "des phobies d'impulsion qui sont des craintes de passer à l'acte, mais ne se réalisent pas". Comme par exemple la peur de devenir pédophile en remontant la braguette de son petit garçon, l'envie de pousser quelqu'un dans l'escalier ou quelque action tellement violente et inimaginable qu'il est même difficile d'en parler. Vous n'êtes pas forcément déséquilibré, il s'agit d'une phobie.

S'entraîner à faire revenir le positif

Mais serait-ce possible alors de ne pas ruminer ? Le monde, se divise-t-il entre ceux qui ruminent et les autres ? Pour Christophe André, la différence entre les humains n'est pas celle-ci, mais avec ceux qui savent s'arrêter. Les solutions en journées sont d'agir, d'interagir avec les autres, de faire des choses ; le soir, il s'agit de méditer, de se détendre, de ruminer peut-être, mais des situations positives. On ne peut pas les arrêter, mais on peut moins y participer, les laisser passer afin de ne pas les subir.
La psychiatre approfondit et précise que lorsque quelque chose s'est mal passé "une mémoire traumatique utile nous fait faire attention, être plus prudent, mais on oublie complètement ce qui est bien, ce qui est positif". Il faut donc s'entraîner à se rappeler de cela, elle invite ainsi des patient.e.s à écrire ce qui s'est bien passer.

Autre conseil, celui de faire des to-do listes, elles rassurent sur ce qui est fait, c'est très apaisant. Mais multiplier les plannings peut ajouter à la charge mentale. On revient ainsi à s'entrainer à souligner, à se remémorer de ce qui a marché, ce qu'on a accompli ou résolu.

 
Un Podcast de l'émission Grand bien vous fasse !