Harcèlement moral et le burn-out

Comment lutter efficacement ?

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Des risques psychosociaux qui regroupent le stress chronique, les violences externes comme les insultes, les incivilités, les violences internes comme le harcèlement moral, les conflits permanents. Les risques psychosociaux touchent de plus en plus de personnes, comment s'en remettre ?

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Il y a quelques semaines nous avons consacré une émission à la santé au travail. Deuxième volet ce matin, avec un coup de projecteur sur ce qu’on appelle les risques psychosociaux.

Des risques psychosociaux qui regroupent le stress chronique, les violences externes comme les insultes, les incivilités, les violences internes comme le harcèlement moral, les conflits permanents. Des risques psychosociaux qui peuvent se traduire par des souffrances psychologiques, physiques, par un sentiment d’épuisement professionnel que l’on appelle burn-out… Nous vous proposons des solutions pour lutter contre ces risques psycho-sociaux, pour surmonter le mal-être au travail…

Le bien-être au travail, une responsabilité de l'employeur

Selon différentes études, pour une grande majorité de Français, le bien-être au travail est la principale priorité. C'est même une obligation juridique pour l'employeur. Selon l'article L. 4121-1 du Code du travail : "L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs."

Des risques liés à l'organisation du travail et à la sensibilité de chacun

Les origines du burn-out peuvent être individuelles et collectives. Pour le médecin du travail Clément Duret : "Il y a un caractère très individuel de sensibilité à un environnement. On a tous un équilibre psychique différent, avec des ressources, et des contraintes, que l'on va vivre individuellement."

Sylvain Rossignol, expert en santé et sécurité au travail depuis une quinzaine d’années, explique : "Quand les salariés ne vont pas bien, c'est que le patient organisation du travail va mal. Et quand les salariés vont bien, c'est que le patient organisation du travail va bien, même si le facteur individuel joue un rôle. Mais il faut vraiment rappeler que les risques psychosociaux sont avant tout des risques organisationnels qui relèvent de la responsabilité de l'employeur".

Le burn-out, lorsque le salarié brûle lentement

Dans le burn-out, le travailleur se consume à petit feu. Souvent, on a l'impression de rupture franche dans le burn-out avec l'image de : "Ce matin, je n'arrive pas à me lever, je ne peux plus". Sauf que le processus est ancré de façon beaucoup plus chronique. Clement Duret : "C'est une bûche qui flambe intensément, produit de la lumière, et du travail jusqu'à un jour, s'éteindre, suite à une surconsommation de ses capacités par rapport à des ressources qui ne rentrent plus. On est vraiment dans l'épuisement global. On constate alors chez les patients, un épuisement physique et psychique global, et qui ne se résout pas en une semaine de vacances."

Sylvain Rossignol : "L'épuisement professionnel, je le vois parfois comme une mauvaise réponse donnée par le salarié à une bonne question. Il pense que c'est par le surinvestissement qu'il va pouvoir répondre à des injonctions où on lui demande de faire énormément, alors qu'il n'en a pas les moyens. Et il peut y avoir un cocktail parfois mortel lorsqu'on a un épuisement professionnel et un désaveu professionnel."

Adrian Chaboche : "Souvent, ce sont des personnes qui ont le goût des choses bien faites, des choses à ne pas remettre à demain. Elles veulent réussir pour elles, pour la reconnaissance ou à cause de leur éducation… Le burn-out est la rencontre de ces personnalités avec des facteurs contextuels, environnementaux, techniques, logistiques, et humains. L'épuisement s'installe lentement. Souvent, la personne est dans une forme de déni protecteur. Elle n'a plus la capacité mentale de se rendre compte de son épuisement complet alors qu'elle est dans une fatigue pathologique."

Quels signes doivent alerter ?

Clément Duret : "Un sentiment d'épuisement, l'impression d'être débordé, celle de ne plus bien faire son travail… Toute rupture avec l'état antérieur, l'impression d'avoir un rapport différent à son travail, surtout un rapport négatif, l'apparition nouvelle de conflits avec des collègues, des pertes de relationnel, l'impression de perte de sens… Cela peut conduire à des troubles du sommeil, des ruminations, des pensées en boucle autour des contraintes de travail, du fait de ne pas arriver à aller jusqu'à l'objectif..."

Le médecin généraliste et psychothérapeute Adrian Chaboche précise : "Cela n'a d'ailleurs pas toujours à voir avec la charge de travail. On peut en avoir beaucoup, mais avec de bonnes réalisations, de bons moyens d'y parvenir, et on est satisfait. On est heureux parfois de travailler beaucoup."

Des symptômes physiques

Fatigue, anxiété, symptômes dermatologiques comme l'eczéma, l'urticaire, des troubles digestifs… Clement Duret : "On peut séparer en deux grands axes des symptômes plutôt psychologiques, cognitifs et des symptômes physiques. Parmi eux, des troubles digestifs, du transit, des douleurs diffuses ostéo-articulaires, des céphalées, des signes dermatologiques, des signes d'inflammation chronique…

Mais les premiers signes sont souvent émotionnels : une irritabilité à la maison, ou au travail. Ce sentiment de dépassement, le sentiment de ne plus pouvoir faire face. Un collègue que l'on tolérait jusqu'ici devient tout à coup intolérable à écouter, parler ou agir. Ensuite, on va monter un petit peu dans les signes avec la fatigue qui s'amplifie, les troubles du sommeil qui s'accroissent.

Et là, viennent se greffer tout ce qui va tourne autour de la sphère cognitive : des troubles de la concentration, des troubles de la mémorisation, une baisse de la productivité réelle… Cela entraîne parfois des comportements de compensation de la personne qui voit bien qu'elle produit moins que d'habitude. Pour cela, elle va travailler une heure de plus le soir, puis le week-end... En travaillant plus, elle va moins se reposer, moins dormir, donc moins rebooster ses ressources avec des activités personnelles, ou avec la vie familiale.

Et donc elle va encore plus creuser son épuisement avec un impact sur la vie relationnelle globale. Parfois la personne n'a plus d'énergie. Là, on commence à basculer vers des symptômes analogues à la dépression : le manque d'envie, le manque de motivation, la difficulté à initier des choses… Le corps n'est plus en capacité physique et psychique de recharger les batteries. C'est pour ça qu'on passe à une phase médicale."

Comment répondre à un burn-out ?

Clément Duret : "La première des actions, ça va être d'essayer de trouver finement la cause de mal-être, en tout cas de faire le diagnostic de la situation." Philippe Zawieja déplore : "Pour l'instant, le seul outil de diagnostic tel qu'il a été proposé par les concepteurs du burn-out est un questionnaire qui va chercher à mesurer les trois dimensions : l'épuisement, le cynisme et la perte du sentiment d'accomplissement professionnel et personnel."

Arrêt de travail, limites…

Clément Duret : "Les réponses au burn-out dépendent de l'impact sur la santé. Si la personne est déjà dans un épuisement avancé avec des symptômes, il faut conseiller une consultation auprès d'un professionnel de santé, et éventuellement l'arrêt de travail.

Ce dernier sera souvent d'ailleurs difficile à accepter puisqu'il faut se dire que toute la population ne sera pas concernée par un épuisement professionnel. C'est avant tout une maladie "du battant", comme on dit en anglais, la maladie de la personne engagée.

La suite va dépendre de l'intensité des symptômes. S'ils sont forts, la première étape, est médicale. Il faut couper l'exposition. Si vous avez une santé encore relativement à l'équilibre, on peut passer à la phase deux. C'est la phase la guérison. Elle passe par une demande de rééquilibrage de la charge de travail au manager à l'apprentissage de limites à poser."

Docteur Adrian Chaboche : "S'il y a une plainte, il faut l'entendre, et elle doit être écoutée. Dans la consultation médicale, il doit y avoir une évaluation globale de la personne. Et le médecin doit mettre à disposition des moyens de retrouver des ressources pour la personne. Ces moyens peuvent être médicamenteux, mais pas toujours. Les antidépresseurs et les anxiolytiques ne sont pas toujours la solution, mais ils peuvent être nécessaires pour rétablir un état neurologique, cognitif, psychique.

Les interventions non-médicamenteuses peuvent ensuite prendre beaucoup de place. Pour un burn-out sévère, ça peut être de l'orthophonie, de la psychomotricité parce que quand on ne sait plus où on a mis son téléphone, qu'on le retrouve 4 heures après dans le frigo, on a besoin de soin du cerveau. Ce peut être le sport, des techniques de méditation, de sophrologie, d'hypnose. Des outils bien-être, qui visent à restaurer les ressources de la personne."